rosace2Notre professeur d’exégèse nous ramenait régulièrement à cette évidence : « Chers amis, il y a quatre évangiles, quatre ! » Certes la bonne nouvelle est unique, c’est l’Évangile avec un E majuscule. Ce n’est pas un texte, c’est un événement, une rencontre, une présence. Le salut ou plutôt le Sauveur : Jésus Christ ! Aucune prédication, aucune écriture ne peuvent tout dire de ce que saint Paul appelle « le Mystère » : « le Christ au milieu de vous » (Col 1, 27 et 2, 2).

C’est pourquoi la pluralité des expériences et des témoignages, dès le début, puis la diversité des formes liturgiques, des écoles théologiques, des traditions spirituelles dans l’histoire de l’Église n’est pas seulement une possibilité, c’est une nécessité. Ainsi l’Esprit Saint nous conduit « dans la vérité tout entière » : non pas en ajoutant des vérités nouvelles à des vérités anciennes, mais en déployant la richesse inépuisable du Don de Dieu. Comme Jésus le souligne, l’Esprit n’invente rien : « il reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » – plus exactement : « pour vous l’annoncer de nouveau » (Jn 16, 13-15).

L’unité plurielle est typiquement catholique : ce mot grec dit la plénitude (holon) plutôt que l’universalité. La catholicité est une grâce, elle est un reflet en ce monde de la communion trinitaire, les Trois qui ne font qu’Un. Mais elle est aussi un combat. Elle est menacée doublement : tantôt par le repli dans une uniformité rassurante, tantôt par la fuite en avant dans un pluralisme où chacun invente sa religion. Église rétrécie ou Église éclatée ? L’une et l’autre sont une dérive sectaire. La réponse est l’Église-communion. Mais la communion dans l’Église et la communion de l’Église sont aujourd’hui mises à l’épreuve. Gravement. Les débats ne nous font pas peur, s’ils restent fraternels. Ce n’est pas toujours le cas, à tous les niveaux. L’Accusateur endurcit les cœurs. Alors les différences deviennent des divergences. La tunique sans couture se déchire. Déchirure que le grec appelle schisme. 

Il faut avoir peur du schisme comme de la peste. L’histoire de l’Église montre que les déchirures se font en quelques heures et que la réconciliation, des siècles après, se fait toujours attendre. Il faut surtout craindre, au plan doctrinal et au plan pastoral, des principes et des usages non seulement différents mais contradictoires, qui finissent par brouiller l’identité catholique des personnes et des communautés. La vigilance et parfois la résistance s’imposent, quand la communion de l’Église à travers le temps et l’espace est au bord de la rupture. La règle de saint Vincent de Lérins garde toute sa pertinence : notre foi veut être celle de partout, de toujours, et de tout le monde (Quod ubique, quod semper, quod ab obnibus creditum est)

Famille Chrétienne, 12 octobre 2019