egliseThomeryLe dimanche, j’ai l’occasion de célébrer la messe dans diverses paroisses, soit en rendant service dans le vaste ensemble pastoral auquel je suis associé, soit en concélébrant ici ou là quand je suis en voyage. J’admire la fidélité et le zèle des équipes liturgiques. Hélas, elles n’ont pas toujours les ressources et les talents nécessaires, surtout dans le monde rural. La bonne volonté est indéniable, mais la formation est parfois insuffisante, voire inexistante.

Animer la messe ?  Cette expression est devenue courante dans le monde catholique, mais quand on y réfléchit elle est plus que discutable. Il y a des animateurs sur les plateaux télévisés et dans les villages de vacances. Or la messe n’est ni un show ni un feu de camp. Si « animer » veut dire « donner une âme », le véritable animateur de la liturgie est invisible, et c’est l’Esprit Saint. Et si l’assemblée a besoin d’un leader, ce ne peut être que le célébrant, lieutenant du Christ ; évêque, prêtre ou diacre, il est d’ailleurs moins un animateur qu’un serviteur.

Quand on se prend pour l’animateur, on s’expose à deux dérives plus ou moins inévitables. D’abord on va se mettre en avant, occuper le terrain, multiplier les commentaires, se croire obligé de dire bonjour au début de la messe et de souhaiter une bonne semaine à la fin – alors que les rites d’accueil et d’envoi du Missel sont autre chose que des mondanités. Et celui qui dirige les chants va faire de grands gestes, le plus souvent inutiles, et chanter fort dans le micro, croyant entraîner l’assemblée alors qu’il la dissuade de s’exprimer et l’empêche de s’entendre.

L’autre erreur, quand on se croit chargé d’animer, est de penser qu’il faut inventer des choses, en modifier d’autres, mettre une touche personnelle, honorer des usages locaux ou des pratiques nouvelles. Des revues spécialisées sont parfois les premières à encourager ce genre d’initiatives. Croyant bien faire, on risque d’offrir au peuple de Dieu une liturgie adaptée, c’est-à-dire inventée, et non le trésor de la prière de l’Église. Par un effet miroir, « l’animateur » et l’assemblée finissent par s’installer dans un face à face qui conduit à ce que Benoît XVI a appelé « une auto-célébration ». Il faut avouer que la célébration dite « face au peuple » encourt le même risque, si elle devient un perpétuel « face au prêtre ». Pour éviter cela, ostensiblement, au moment de la proclamation de l’évangile, mon évêque quitte le siège de présidence et se tourne vers l’ambon pour écouter avec son peuple la Parole de Dieu. Un autre évêque disait la prière d’ouverture face à l’autel, comme un berger en tête du troupeau. Servir l’eucharistie, c’est servir la rencontre du Christ et de son Église. C’est pouvoir dire comme Jean Baptiste : « il faut qu’il grandisse et que je diminue ».

Famille Chrétienne, 19 septembre 2020